Il aura suffi d’un rayon de soleil pointant dans l’atelier d’un peintre, dont le regard aiguisé a été happé par son chat, qui, sans dire mot, a su ravir son attention.
Au moment même où l’artiste était en train de s’interroger sur la transsubstantiation d’un dépôt de peinture en figure d’autre chose que le seul dépôt, sur la transmutation alchimique de la matière picturale en une étrange chair dont la palpitation rappelle celle de la vie, ne voilà-t-il pas que le noble chat du maître se glisse dans le rayon de soleil en train de découper un carré de lumière sur le plancher, tourne son regard vers celui du peintre et le mystifie.
« Regarde, semble lui dire le chat, n’est-ce pas l’enfance de l’art?»
Quel élan a-t-il donc pu conduire ainsi le chat? Élan naturel de la vie pour la chaleur de l’équinoxe du printemps? Élan naturel du félin pour la conquête des territoires et l’ostentation de la prise des lieux? Adresse polie à l’hôte de ces lieux sous les traits d’une pose sidérante?
Et que dire de cet autre élan qui fit prendre photographie de la chose par le peintre? Saisir l’instant – instinctivement? –, comme ce chat se saisit de la chaleur, d’un territoire, d’un regard? Mais de quel pouvoir dépend cette saisie? Le chat, le peintre, même élan, même disposition à l’action? Le premier dans la sphère de la Nature. Le second, dans celle de la Culture? La Culture connaît-elle des équinoxes? Connaît-elle le froid et le chaud? Des territoires s’y découpent-ils après que des frontières s’y soient dessinées séparant la lumière et l’ombre, le froid et le chaud, le plaisir et le déplaisir? Connaît-elle des élans de conquêtes? Et y a-t-il des hôtes à toiser?
D’une question à l’autre, une autre encore surgit: quel versant naturel reconnaître à la culture dont cette photographie semble bien avoir fait son sujet? Un chat pris en photo dans un rayon de soleil dans l’atelier du peintre, photographe pour l’occasion, et voilà celui-ci mieux informer qu’hier sur son insoupçonnable préoccupation: une chaleur printanière à goûter, un territoire à conquérir et un hôte à toiser.
Le printemps appartient à tout le monde, mais les territoires, où il est possible d’en apprécier la saveur, ont leur propriétaire. Comment faire? Devenir propriétaire ou, comme le chat, sidérer son regard? Une troisième voie existe-t-elle?